Mode de Vie et Longevité

Il est aujourd’hui devenu évident que notre santé est conditionnée par la qualité de l'air que nous respirons,

par notre alimentation, par le tabac, les drogues et produits toxiques, par l’exercice physique, par nos tensions mentales, les stress que nous subissons, ainsi que l’affection et l’amitié que nous recevons. Depuis quelques années, la science démontre le bien-fondé de cette évidence. Les preuves scientifiques s’accumulent qui montrent que la qualité du vécu psychologique, comme celle de l’environnement, modifient l’état de nos gènes en les activant ou les désactivant. La plupart des généticiens pensent désormais que le comportement de nos gènes peut être modifié par nos expériences de vie, et même que ces changements peuvent être transmis aux générations futures. On a étudié, par exemple, des jumeaux génétiquement identiques qui présentaient cependant des différences majeures dans leur mode de vie. Au fur et à mesure qu’ils grandissaient et se développaient, ils vivaient des expériences différentes, étaient confrontés à un environnement physique et psychologique différent, et leur apparence changeait. L’un est resté en bonne santé quand l’autre a été affecté par un cancer. Comment cela se peut-il ? Cela s’explique par un mécanisme épigénétique dû aux conditions de vie. Le gène protecteur contre le cancer a été désactivé chez l’un et pas chez l’autre. S’ils sont identiques génétiquement, ils ne le sont pas épigénétiquement. Le Dr Arturas Petonis, Université de Toronto, estime que l’épigénétique peut détenir la réponse à certains mystères non encore éclaircis : pourquoi un jumeau monozygote développe-t-il une maladie chronique et pas l’autre ? Pourquoi certaines maladies se rencontrent-elles toujours plus fréquemment chez les garçons que chez les filles ? Il est maintenant reconnu que des altérations épigénétiques interviennent dans l’apparition d’un cancer, et qu’elles sont souvent beaucoup plus importantes que les altérations des gènes eux-mêmes. Certains gènes sont activés ou désactivés par les conditions de vie. La cigarette, par exemple, non seulement entraîne des mutations génétiques, mais aussi, en activant certains gènes, des altérations épigénétiques. Autre exemple encore, des chercheurs ont observé que plus de 220 gènes néfastes étaient activés dans les cellules cancéreuses de femmes très déprimées et qui avaient un faible réseau affectif ; quand les mêmes gènes perturbateurs restaient inactifs chez les femmes bien entourées socialement.

Ces découvertes ont des répercussions capitales sur les thérapies du cancer ; car les altérations épigénétiques étant réversibles, il n’y a peut-être pas nécessité de tuer les cellules cancéreuses de manière systématique, mais oui, il faudrait rétablir la correcte activation, ou répression, de certains gènes.

Si tout se passe bien, tout au long de notre vie nos cellules se renouvellent régulièrement. Certaines meurent, d’autres se divisent pour donner deux nouvelles cellules, et ce cycle se reproduit sans cesse. Malheureusement, les agressions environnementales peuvent entraîner des altérations épigénétiques qui vont s’accumuler avec les années. Il est aujourd’hui possible de mettre en évidence ces altérations au niveau cellulaire et de constater, effectivement, que les personnes âgées ont plus d’altérations épigénétiques que les jeunes. Il est même possible, par référence au processus moyen de vieillissement, d’estimer l’âge biologique d’une personne seulement en analysant son diagramme épigénétique. La bonne nouvelle est qu’une configuration épigénétique n’est pas immuable, il suffit de changer des conditions de vie (alimentation, respiration, exercice physique, niveau de stress) pour qu’elle s’améliore. Rachel Yehuda, de la Faculté de médecine du Mount Sinai, New York, s’est penchée sur le stress subi par des femmes enceintes qui s’étaient trouvées dans, ou à proximité, du World Trade Center de New York lors de son effondrement le 11 septembre 2001. Elle a mesuré le taux de cortisol, indice du niveau de stress, chez les enfants une fois nés, et elle leur a trouvé un taux élevé. L’état de stress des mères avait été transmis aux enfants. Elle a également testé des personnes qui avaient survécu aux camps de concentration de l’Holocauste, et leurs enfants, nés bien plus tard. Elle a ainsi découvert que le taux de cortisol chez ces enfants était beaucoup plus important (jusqu’à trois fois plus) que dans la population en général. Or ces enfants, aujourd’hui adultes, n’ont pas connu les camps en dehors de ce qu’on leur en a dit. Pas plus qu’ils n’ont été plus exposés à des événements traumatiques que la population normale. Est-ce dû au fait que les traumatismes ont été évoqués devant eux par leurs parents ? Si cela est en partie vrai, ça ne peut expliquer tous les cas. Car même des bébés de moins d’un an, à qui on n’a pas encore parlé des événements, présentent ce taux élevé de cortisol. Le niveau de stress chez ces personnes est donc directement lié au traumatisme psychique antérieur, subi par leurs parents. Il leur a été transmis, en l’absence de tout autre événement traumatique, par des voies épigénétiques. Mais il y a encore plus surprenant : la recherche révèle que les parents vont « anticiper » les caractères génétiques de leurs enfants pendant les mois qui précèdent la conception (Alain Boudet).

Dans les derniers stades de maturation de l’ovule et du sperme, un processus, appelé « imprégnation génomique », ajuste l’activité de groupes spécifiques de gènes, qui vont façonner le caractère de l’enfant non encore conçu (Surani, 2001 ; Reik et Walter, 2001). La recherche suggère que ce qui se passe dans les vies des parents, au moment du processus d’imprégnation génomique, a une profonde influence sur le corps et l’esprit de leur enfant. Cela fait une différence d’être le fruit de l’amour, ou de l’indifférence ; d’être porté par une mère qui désire sa grossesse ou qui ne la désire pas (Bruce Lipton). La qualité de notre vie intra-utérine va programmer notre vulnérabilité aux maladies cardiovasculaires, aux infarctus, au diabète, à l’obésité et à une multitude d’autres conditions ultérieures. Les éléments sont de plus en plus nombreux, qui prouvent que les conditions de notre vie intra-utérine programment, tout autant que l’influence de nos gènes, notre santé sur le long terme et donc notre longévité. Cette vie intra-utérine est déterminante pour notre comportement ultérieur, tant sur le plan psychologique que physiologique, et son influence s’exprime tout au long de notre vie.

Dans les éléments du mode de vie, il faut aussi inclure notre façon de penser. Nos peurs, nos angoisses, nos inhibitions, sont les fruits de nos manières de réagir face aux événements que nous vivons. Elles agissent épigénétiquement sur notre ADN. Plus nous nous posons de questions, plus nous sommes curieux, plus nous avons du plaisir à vivre, et plus nos neurones s’activent, plus nos connexions s’établissent, plus notre cerveau se maintient en forme. Combattre le vieillissement, c’est rester actif, intellectuellement et physiquement.

Ainsi, le vieillissement, tel qu’on le perçoit aujourd’hui, est le point de convergence de tous ces phénomènes qui provoquent des désordres croissants dans le monde cellulaire. Certes, nous pouvons jouer sur les facteurs aggravants et diminuer les risques. Il y a les risques choisis : s’exposer au soleil, fumer, boire trop de café, trop d’alcool, prendre des drogues, manger trop de graisse etc. Ils sont d’autant plus sérieux que nous cumulons plusieurs de ces comportements. Il y a aussi des risques subis : exposition prolongée à des radiations à faible dose, à des polluants – pollution de l’air par l’oxyde d’azote et l’amiante, poussières des maisons, colles des tapis et des moquettes, produits de nettoyage. Tout cela désorganise les métabolismes dans notre corps. Cependant, nous avons de bonnes raisons d’être optimistes car, malgré tout cela, notre durée de vie augmente, et nous vivons de mieux en mieux. Une fille qui naît, aujourd’hui, en France, a une chance sur deux de devenir centenaire. Aujourd’hui, 90 % des femmes atteignent 80 ans. En 2004, l’espérance de vie était de 76,7 ans pour les hommes et de 83,8 ans pour les femmes, soit une moyenne de 80 ans pour les deux sexes. Nous pourrions allonger d’une trentaine d’années encore la durée de vie pour la grande majorité des gens, et surtout nous assurer de vivre en forme pendant ces années supplémentaires. Si nous ne pouvons pas vraiment agir sur notre héritage génétique ni sur l’environnement dans lequel nous vivons, en revanche, nous pouvons contrôler notre mode de vie, notre alimentation, l’entretien de notre corps, notre sommeil, notre résistance au stress. Notre défi, aujourd’hui, ce n’est pas d’accéder à l’immortalité, mais bien de réussir notre longévité.

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